L'avocat De Taye souhaite une suspension du procès
Jonathan De Taye, l'avocat d'Ali El Haddad Asufi, a annoncé lundi midi qu'il déposerait mardi matin devant la cour d'assises des conclusions relatives aux conditions de détention et de transfert de son client. Il souhaite que le procès des attentats à Bruxelles du 22 mars 2016 soit suspendu dans l'attente d'une décision par rapport à cette problématique.
Plusieurs accusés ont en effet dénoncé lundi, au premier jour des débats au fond, les conditions de leur détention et de leur transfert de la prison de Haren au site Justitia, qui accueille le procès. Mohamed Abrini a ainsi menacé de se taire durant le reste des débats si rien ne changeait.
Me Vincent Lurquin, l'avocat de Hervé Bayingana Muhirwa, a, lui, déploré que son client porte les mêmes vêtements depuis huit jours, ses affaires ne l'ayant pas suivi de la prison où il était incarcéré jusqu'il y a quelques jours à celle de Haren, où il se trouve pour la durée du procès.
La présidente de la cour d'assises a répondu qu'elle avait vu passer une lettre de certains avocats, adressée aux ministres de la Justice Vincent Van Quickenborne et de l'Intérieur Annelies Verlinden ainsi qu'au parquet fédéral, et dont elle était en copie. Mais Laurence Massart a répondu que les conditions de détention et de transfert ne relevaient pas de ses compétences. Elle a finalement bloqué le débat et n'a plus voulu faire de commentaires sur la question tant que des conclusions n'étaient pas déposées. Lorsque cela se produira, l'audience pourra alors être suspendue, a-t-elle expliqué.
Durant la pause de la mi-journée, Jonathan De Taye a annoncé à l'agence Belga qu'il déposerait ses conclusions mardi matin. Quelques minutes plus tôt, lors de l'audience, l'avocat avait indiqué qu'il allait envoyer une lettre de mise en demeure sur ces conditions de détention et de transfert aux ministres Van Quickenborne et Verlinden.
il déposera également "Plus que probablement", un référé, a-t-il confié dans les couloirs du Justitia, soulignant que sa démarche avait pour but de s'assurer que le processus "se déroule bien".
© ANP / EPA — Jonathan De Taye (à droite). La cour procède à l'appel de toutes les personnes qui se sont constituées partie civile
La cour d'assises de Bruxelles a commencé à énoncer, lundi vers 12h30, la longue liste des 957 personnes constituées partie civile au procès des attentats du 22 mars 2016 jusqu'à présent. D'autres personnes pourraient encore se constituer partie civile dans les prochaines semaines.
Plusieurs personnes, victimes ou proches de victimes des attentats, ne sont pas représentées par un avocat, mais la plupart le sont. Par ailleurs, de nombreuses personnes se sont constituées au nom de leurs enfants mineurs.
Deux principaux collectifs d'avocats ont été constitués pour représenter les intérêts de toutes ces personnes préjudiciées, V-Europe et Life 4 Brussels.
La cour devrait terminer cette première audience après avoir terminé l'appel de toutes ces parties civiles.
© BELGA Mohamed Abrini "ne se dit absolument pas étranger aux faits"
Mohamed Abrini, accusé devant la cour d'assises pour les attentats commis à Bruxelles et Zaventem le 22 mars 2016, "ne se dit absolument pas étranger aux faits", a rappelé lundi, à l'entame du procès, son avocat, Me Eskenazi. Lors du procès des attentats du 13 novembre à Paris, "il a déjà pu s'exprimer sur les faits et les faits belges y ont été évoqués", a-t-il déclaré.
Me Eskenazi s'est montré soulagé que le procès puisse enfin démarrer. "On a vu le premier jour, le jour de la constitution du jury, que les débats pouvaient se passer sereinement", après la modification du box des accusés qui a retardé les audiences de près de deux mois. Cette sérénité des débats, "c'était l'objectif de la défense", a-t-il réaffirmé.
Abrini: "Les choses doivent changer ou je garderai le silence jusqu'à la fin du procès"
L'accusé Mohamed Abrini a demandé à prendre la parole, lundi peu après 12h00, au procès des attentats du 22 mars 2016 devant la cour d'assises de Bruxelles, pour dénoncer les conditions de son transfert de la prison de Haren au Justitia. "On vous humilie, on vous met à nu, vous avez un bandeau sur les yeux et de la musique satanique à fond dans les oreilles", a-t-il fustigé, disant "avoir le sang qui bouillonne".
"J'ai entendu dire qu'il n'y avait pas de vengeance dans notre état, ça ne passe pas. Ça fait sept ans qu'on subit votre vengeance", affirme Mohamed Abrini.
"Je ne répondrai à aucune question si ça se passe comme ça", a averti l'accusé. "Je prends sur moi pour être là, mais ce sont des choses qui ne se font pas. En France [au procès des attentats à Paris, NDLR], on a été respecté. Les choses doivent changer ou je garderai le silence jusqu'à la fin du procès", a-t-il prévenu.
Les conditions de transfert ne sont pas de la compétence de la cour d'assises, lui a répondu sa présidente Laurence Massart, ajoutant que "les procureurs (fédéraux) vous ont entendu".
Ceux-ci ont alors pris la parole pour préciser que les conditions dénoncées ne ressortaient pas de leur compétence non plus. Elles ont été décidées sur base d'évaluations administratives, en tenant compte de la sécurité des détenus, de leurs proches (c'est-à-dire de leurs avocats) et de la police elle-même, a expliqué le procureur Bernard Michel. Il a assuré à Mohamed Abrini que ses doléances seraient relayées.
Dans la foulée, Jonathan De Taye, avocat d'Ali El Haddad Asufi, a abondé dans le sens de Mohamed Abrini. Il a dénoncé les fouilles anales dont son client est l'objet chaque jour de transfert. Cela alors qu'il n'a rien dans sa cellule, qu'il est détenu dans un quartier de haute sécurité à la prison de Haren et qu'il ne voit aucun autre détenu, a-t-il insisté. "Ces gens vont accepter ça tous les jours?!", a-t-il interpellé la présidente.
L'avocat demande dès lors des conditions dignes pour ce procès, à l'image de ce qu'il s'est passé à Paris. "Si les conditions de détention ne sont pas dignes, le procès n'est pas digne", a encore lancé Me De Taye.
Au regard de ces conditions, l'avocat a annoncé qu'il enverrait ce lundi une lettre de mise en demeure aux ministres de la Justice Vincent Van Quickenborne et de l'Intérieur Annelies Verlinden. S'ils ne réagissent pas, Jonathan De Taye introduira un référé et demandera à suspendre les débats dans l'intervalle.
Il est enfin apparu qu'une lettre écrite notamment par Me Paci, l'avocate de Salah Abdeslam, a été adressée au parquet ainsi qu'aux ministres de l'Intérieur et de la Justice pour demander une amélioration des conditions de détention des accusés.
© BELGA — Mohamed Abrini, ce lundi matin. L'avocate de Life4Brussels s'exprime
Pour Me Maryse Alié, qui représente l'association Life4Brussels, si les attentes des parties civiles sont variées, l'objectif reste "que la vérité judiciaire puisse être faite". "On sait que la vérité judiciaire n'est jamais à la hauteur de la souffrance des victimes, ce n'est pas la vérité humaine, mais on espère en tout cas obtenir certaines réponses."
La présidente aux jurés: "On n'a pas de préjugé, pas d'a priori. On ne défend personne"
La présidente de la session d'assises du procès des attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles, Laurence Massart, a rappelé, lundi matin, quelques principes aux jurés, à commencer par celui de l'impartialité dont tout juge doit faire preuve. "On n'a pas de préjugé, pas d'a priori. On ne défend personne", leur a-t-elle dit. Elle a ensuite précisé avoir demandé 60 devoirs d'enquête jusqu'à présent.
La présidente a conseillé aux jurés de prendre des notes durant les débats et a insisté sur l'impartialité, le "travail à charge et à décharge" qui incombe aux trois juges de la cour et au jury. "On n'a pas de préjugé, pas d'a priori. On ne défend personne", a-t-elle dit.
La magistrate a aussi évoqué deux principes fondamentaux: l'égalité des armes entre les parties et la loyauté dans les débats. "L'accusé a toujours la parole en dernier lieu et les parties civiles n'ont pas la parole sur la peine, en cas de culpabilité, car on n'est pas dans une société de vengeance", a-t-elle ajouté.
"Sans vous, le procès s'arrête", a également insisté auprès des jurés Laurence Massart. Lundi, deux jurés suppléants manquaient déjà à l'appel, ce qui fait déjà baisser la "réserve" de 24 jurés à 22, pour ce procès qui sera extrêmement long, entre six et neuf mois.
"Il y a deux phases dans un dossier pénal", a poursuivi la présidente, s'adressant toujours aux jurés. "Il y a la phase préalable au procès pénal. C'est l'enquête. C'est une procédure écrite, qui est secrète. Le dossier n'est alors accessible qu'à certaines personnes et dans certaines conditions. Cette enquête-ci fait près de 300 cartons. Trois juges d'instruction l'ont menée. Vous les entendrez en février. Puis, il y a la phase du procès pénal. Là, c'est inverse, tout est oral et public, donc toute l'enquête va revivre devant vous."
Après avoir donné ces quelques mots d'explication aux jurés, la présidente a énuméré les 60 devoirs d'enquête qu'elle avait ordonnés jusqu'à présent. Cinquante d'entre eux sont rentrés, dix doivent encore être scannés, a-t-elle précisé.
Ces devoirs concernent notamment des expertises psychologiques, l'identification de certaines personnes dans le dossier ou encore des enquêtes téléphoniques. L'un des devoirs concerne les images d'un drone survolant l'extérieur puis l'intérieur de la station de métro Maelbeek, a expliqué Laurence Massart.
Elle a également demandé à ce que soit démontée une installation permettant la retransmission audio et vidéo des débats dans un bureau du parquet fédéral sur le site du Justitia "au nom de l'égalité des armes". Enfin, la présidente a demandé la retranscription d'une discussion entre Mohamed Abrini, accusé dans ce procès, et Mehdi Nemmouche, l'auteur de l'attentat au Musée juif de Belgique à Bruxelles le 24 mai 2014 (qui avait fait quatre morts), dans le quartier de haute sécurité de la prison Bruges, et dont elle n'avait jusqu'ici que des extraits.
La sœur d'une victime: "J'ai pardonné aux accusés"
De nombreuses parties civiles ont fait le déplacement lundi pour le premier jour d'audience du procès des attentats de Bruxelles, malgré le fait qu'elles n'auront pas la parole avant plusieurs semaines.
Survivants, proches de victime, toutes n'attendent pas la même chose de ce procès d'assises qui s'annonce hors normes. Certaines n'attendent d'ailleurs rien de plus que de représenter leur proche, victime à Maelbeek ou Zaventem.
C'est le cas de Sarah Esmael Fazal dont la sœur, Sabrina, est décédée dans la station de métro bruxelloise. "C'est important pour moi d'être là, pour représenter ma sœur. (...) Je suis là pour elle aujourd'hui", a-t-elle déclaré à son arrivée au Justitia lundi matin. "Je ne pense pas qu'ils m'apporteront des réponses (...) Je n'ai pas de haine envers eux, aucune haine. Je leur ai pardonné, je suis bien avec moi-même."
Des survivantes témoignent
Le procès débute avec 1h de retard, déjà deux jurés absents
Le procès des attentats du 22 mars 2016 a débuté, lundi matin, vers 10h00, avec une heure de retard sur l'horaire prévu. La cour a commencé par acter que deux jurés suppléants étaient absents, dont une a remis un certificat médical daté de mercredi vers 17h00, soit au moment où la cour entendait les demandes de dispense des candidats-jurés, avant de procéder au tirage au sort des 36 jurés, 12 effectifs et 24 suppléants. La cour a ensuite procédé à la prestation de serment des interprètes.
© ANP / EPA Une longue file d'attente pour la presse, présente en nombre, au premier jour du procès
La presse était présente en nombre lundi matin au premier jour des débats sur le fond au procès des attentats de Bruxelles du 22 mars 2016. Les journalistes, venus des quatre coins d'Europe, ont cependant dû patienter plus d'une heure à l'extérieur, dans le froid, avant de pouvoir passer le contrôle de sécurité nécessaire pour accéder au site Justitia de Haren, qui accueille la cour d'assises.
Le site était censé ouvrir à 7h30, mais l'accès pour la presse n'a cependant été possible qu'à partir d'environ 8h00, en raison de problèmes logistiques, semble-t-il. Entretemps, une longue file de journalistes s'était formée et nombre d'entre eux ont dû patienter pendant plus d'une heure.